Un schisme imminent dans l’Eglise ?

L’Eglise est menacée par un schisme, des évêques n’obéissent plus au Pape, ils se moquent des prélats de la Curie, ils sont prêts à s’organiser en marge de l’Eglise « officielle »… Ce grave avertissement est signé Patrice de Plunkett. Sur le site intitulé modestement « Patrice de Plunkett : le Blog » dans son édition du 3 mars 2023, le prolixe homme de plume qui propose « l’analyse chrétienne de l’actualité dans le sillage du pape François » a donc découvert un complot. Plongeons avec lui dans ses arcanes.

Stupeur ! Selon l’auteur, ce qui menace l’Eglise aujourd’hui, c’est le complot « anti-François » des fidèles et des clercs attachés à la liturgie traditionnelle qui s’élèvent contre Traditionis Custodes, les Responsa du 18 décembre 2021 et le Rescrit du 21 février 2023. Mené par un quarteron d’Evêques américains que Plunkett ne craint pas de nommer, mais s’abstient toutefois de citer – si bien que le lecteur est prié de prendre ses accusations pour des faits – le « front du refus » serait contaminé par « le vieux désir de brûler Vatican II. (…) Faute de pouvoir réaliser cette utopie en s’emparant du prochain conclave, ce mouvement est prêt à s’organiser en marge de l’Eglise “officielle”. » Plunkett les a heureusement dévoilés : « cette agitation autour d’une forme du rite n’est que la pointe apparente d’un ensemble idéologique très politisé, (…) en réalité les fans du “St-Pie-V” se confondent aux Etats-Unis avec l’aile extrême du parti républicain, et en France avec une partie de ce qui vibrionne plus à droite que le RN. » Patrice de Plunkett, cependant, ne dit pas qu’ils sont tous anti-vax… Serait-ce possible que ce détail lui ait échappé ?

Devant la gravité du complot qu’il a découvert, Plunkett ne craint pas l’amalgame avec le schisme allemand : « Une partie de l’Eglise allemande, “progressiste”, n’est-elle pas elle aussi au bord d’un schisme ? C’est bien le cas : mais cet autre schisme encense l’idéologie sociétale d’aujourd’hui – alors que le schisme “traditionaliste”, à l’opposé, exhume des idéologies d’avant-hier. Ce sont deux déviances symétriques inverses. » A suivre son raisonnement, les défenseurs de la doctrine, du catéchisme et du rite millénaire de l’Eglise sont à mettre dans le même sac que ceux qui revendiquent la bénédiction des couples homosexuels, l’accès des femmes aux ordres sacrés, le mariage des prêtres, les sacrements donnés aux divorcés remariés…

Pour donner un peu de poids à son argumentation, Plunkett convoque à son service le Père Henri Donneaud, dominicain, professeur à l’Institut Catholique de Toulouse, dont il cite l’article paru dans le numéro de janvier-mars 2022 de la Nouvelle Revue Théologique, qui se trouve être de nouveau au sommaire du prochain numéro de la revue d’avril-juin 2023. La science théologique du Père Donneaud aurait mérité mieux que d’être mise au service de cette polémique, somme toute peu convaincante.

En substance, la thèse du Père Donneaud défend l’idée que le Pape François n’est, en matière liturgique, que le continuateur de la doctrine liturgique de Saint Pie V. Selon lui, le Pape François aurait affirmé de manière magistérielle que le missel de Paul VI est la seule expression du rite romain, comme le fit Saint Pie V en son temps dans sa Bulle Quo Primum. C’est pourquoi la liturgie traditionnelle ne devra plus avoir qu’un caractère « extraordinaire », au sens d’exceptionnel.

Nous laisserons le lecteur intéressé se reporter à la réponse que fit au Père Donneaud le Père Louis-Marie de Blignières, Prieur de la Fraternité Saint Vincent Ferrier (« Notes à propos d’un article du père Henry Donneaud », Sedes Sapientiæ, n°159, mars 2022, pp. 101-118). Nous nous contenterons de contester la thèse d’une identité réformatrice entre Saint Pie V et Saint Paul VI. La promulgation du missel de 1570 est une œuvre de publication d’une édition conforme aux usages liturgiques en vigueur à la Curie romaine et sûre par son orthodoxie. Elle n’est pas comparable avec la promulgation du missel de 1969, issu des inventions du Consilium, une commission dont les travaux ont fait l’objet, entre autres, de la relation d’un de ses membres, le Père Louis Bouyer : « Il était sans espoir de produire rien qui valût beaucoup plus que ce que l’on produirait, quand on prétendait refaire de fond en comble, en quelques mois, toute une liturgie qu’il avait fallu vingt siècles pour élaborer peu à peu. (…) On aura une idée des conditions déplorables dans lesquelles cette réforme à la sauvette fut expédiée, quand j’aurai dit comment se trouva ficelée la seconde prière eucharistique. (…) Je ne puis relire cette invraisemblable composition sans repenser à la terrasse du bistrot du Transtevere où nous dûmes fignoler notre pensum… » (Louis Bouyer, Mémoires, Editions du Cerf, 2014).

Nonobstant la science théologique du Père Donneaud, il est douteux qu’on puisse comparer l’œuvre de Saint Pie V avec la fabrication du Missel réformé de 1969. Pour preuve : si l’histoire n’a conservé aucun des noms des rédacteurs du Missel tridentin, c’est qu’il n’eut aucun rédacteur, il ne fut l’objet que d’un travail d’édition, savant mais anonyme. Il n’en va pas de même du nouvel ordo, dont tous les rédacteurs, membres du Consilium, sont bien connus pour avoir, par la suite, raconté leurs mémoires… pas toujours louangeuses pour cette réforme liturgique.

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