Cinq raisons d’exiger la confirmation dans le rite traditionnel

En France, certains Evêques pourraient vouloir adopter une ligne commune concernant le sacrement de confirmation, en imposant la formule du nouveau rituel tout en concédant qu’elle soit prononcée en latin.

L’application de Traditionis Custodes se révèle délicate dans les diocèses où existent des communautés de fidèles attachés à la liturgie traditionnelle. S’ils s’accordent sur la nécessité de ménager ces communautés pour le moment en ce qui concerne la messe dominicale, un certain nombre d’Evêques souhaitent utiliser le rite réformé en latin pour la confirmation. C’est le cas à Paris où Mgr Ulrich a annoncé qu’elle serait conférée à l’Eglise Saint Roch selon le rite réformé par Paul VI. L’Evêque d’Avignon envisage également de procéder de la même manière au cours d’une messe célébrée pourtant selon la liturgie traditionnelle. D’autres diocèses de France sont aussi concernés.

L’argument principal des Evêques est que la confirmation est « le sacrement de l’Evêque », qu’ils ne souhaitent pas accéder à la demande des fidèles d’user d’une liturgie dont ils n’ont pas l’usage pour eux-mêmes, et que Traditionis Custodes les conforte dans cette orientation. Ils peuvent ainsi prétendre obéir au Pape à la fois dans la mise en œuvre de Traditionis Cutodes, et dans la manifestation de leur souci pastoral, l’utilisation du latin étant un argument sensé convaincre tout le monde…

Il est cependant nécessaire d’objecter que cet argument ne tient pas. Notre attachement n’est pas au latin mais au rite traditionnel. La raison pour laquelle les fidèles demandent le respect de la forme traditionnelle pour la confirmation comme pour tous les autres sacrements peut se résumer en cinq points.

Premièrement, tous égards restant dû à nos pasteurs, l’argument subjectif du « sacrement de l’Evêque » n’est pas recevable. L’Evêque est le « ministre ordinaire » du sacrement, un prêtre délégué par lui peut en être le « ministre extraordinaire » : le mot vient du latin minister, dérivé de minus (inférieur), qui désigne le serviteur. Il n’est donc pas question de faire de lui le propriétaire du sacrement ni dans sa forme ni dans sa matière. La matière en est le Saint Chrême et la forme est l’onction en forme de croix que le ministre fait sur le front du confirmand en prononçant la formule sacramentelle.

Nous arrivons ici au deuxième argument. La formule sacramentelle traditionnelle se traduit par : « Je te marque du signe de la croix et te confirme avec le chrême du salut au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». La réforme liturgique a remplacé cette parole par « N., accipe signaculum Doni Spiritus Sancti », ce qui se traduit par « N. reçois le sceau du Don de l’Esprit Saint ». La traduction de cette formule en usage en France devient étrangement : « N. Sois marqué de l’Esprit-Saint, le don de Dieu » (cf. note n°1). Il existe une distance incontestable entre l’expression performative « Je te marque… et te confirme… au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », et la formule déprécative « Sois marqué », sans plus de référence à la Sainte Trinité. La logique voudrait d’ailleurs que si la confirmation est le sacrement de l’Evêque, ce dernier emploie la première personne du singulier pour confirmer, ce qui n’est plus le cas… Dans la formule traditionnelle, les paroles prononcées par le ministre du sacrement expriment plus clairement l’étendue des effets du sacrement : le signe imprimé sur le front fait de la croix du Christ l’étendard du confirmand, le saint chrême symbolise la force spirituelle que donne le sacrement, et la formule trinitaire signifie que cette force vient de la Sainte Trinité. Elle marque mieux, en cela, l’unité avec le premier sacrement de l’initiation chrétienne, le baptême. La formule réformée s’est inspirée de formules orientales, le sceau évoquant une marque de propriété, mais elle perd la force que comporte la formule traditionnelle et le lien qu’elle fait avec le chrême baptismal. Il est vrai qu’en Orient, la confirmation est donnée aux nouveau-nés en même temps que le baptême, ce qui n’est pas le cas chez les latins.

Cela conduit au troisième argument : la confirmation achève ce qu’a commencé le baptême dans l’âme du chrétien. Premier sacrement de l’initiation chrétienne, le baptême efface le péché originel, donne la grâce sanctifiante et procure l’adoption divine de filiation. La confirmation transforme le chrétien en soldat du Christ, elle fait grandir la vie de la grâce en imprimant un caractère nouveau, ineffaçable, d’adulte dans la foi, et infuse dans l’âme le Saint-Esprit avec l’abondance de ses dons. La prière d’imposition des mains de la forme traditionnelle fait référence au pardon des péchés et demande l’envoi des sept dons du Saint-Esprit, invoqués tour à tour avec un « Amen » comme répons, puis se termine par la supplication que les confirmands marqués de la croix du Christ le soient pour la vie éternelle. Dans le rituel réformé, il existe deux formules possibles d’imposition des mains, dont l’une évoque les manifestations de l’Esprit Saint mais omet d’en citer les sept dons. La deuxième énumère les sept dons mais ne mentionne pas non plus la perspective de la vie éternelle. C’est une des caractéristiques du nouveau rite que d’offrir une nombre important d’options au choix du célébrant. Il existe deux ou trois formes possibles pour l’accueil, la préparation pénitentielle, la prière d’ouverture, et jusqu’à six formes possibles pour la profession de foi ou l’action de grâce finale (cf. note n°2). Le flou introduit par cette variété de formule a fait écrire par la Commission Liturgique du diocèse de Toulon une mise en garde contre des options hasardeuses qu’il est préférable d’éviter (cf. note n°3).

En quatrième lieu, on peut tirer argument du document de présentation du nouveau rituel de la confirmation du Pape Paul VI lui-même. Dans la Constitution Apostolique Divinae consortium naturae du 22 août 1971, le Pape énonce : « Le second Concile Œcuménique du Vatican, conscient de sa charge pastorale, a étudié avec soin les sacrements de l’initiation, et a prescrit de réviser leurs rite afin qu’ils soient mieux adaptés à la mentalité des fidèles. Ainsi, le Rituel du Baptême des Enfants, rédigé dans une nouvelle forme selon le vœu de l’assemblée conciliaire et promulgué par notre autorité, étant entré en usage, il est maintenant opportun de publier le rite de la Confirmation, afin que l’unité de l’initiation chrétienne apparaisse en pleine lumière ». Si le Pape a voulu lier la réforme du rituel de la confirmation à celle du rituel du baptême, il est parfaitement cohérent que les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle du baptême demandent à bénéficier de la liturgie traditionnelle de la confirmation, et il serait contradictoire de le leur refuser. Certains Evêques peuvent être tentés d’appliquer Traditionis Custodes à tous les sacrements à l’exception de la messe, pour laquelle exclusivement la liturgie traditionnelle resterait tolérée. On doit objecter que la Sainte Messe fait partie des trois sacrements de l’initiation chrétienne avec le baptême et la confirmation, et que la contradiction reste entière.

Le cinquième et dernier point consiste à rappeler que le bien spirituel des fidèles doit prévaloir, et que toute tentative de les priver de leur manière propre de se sanctifier serait une violence faite à leur conscience. Les sacrements sont faits pour les fidèles, pour leur communiquer la grâce et leur permettre d’atteindre leur fin, qui est le salut en Jésus-Christ et la béatitude éternelle. Il existe dans l’Eglise de nombreuses voies de sanctification : la spiritualité carmélitaine n’a que peu à voir avec la spiritualité jésuite. Il n’appartient pas à un Evêque de décider de manière autoritaire de la voie spirituelle à suivre par un fidèle du Christ. De même, il ne doit pas appartenir à un Evêque de priver les fidèles de manière autoritaire de ce qui fait le trésor de leur vie spirituelle, la forme liturgique par laquelle ils adorent Dieu, qui est celle par laquelle des générations de fidèles avant eux se sont sanctifiés. Si cette liturgie procure les grâces nécessaires au salut, pourquoi vouloir les en priver ?

Dans une Eglise tant attachée au respect de la dignité de chacun et à la liberté de conscience, il serait paradoxal qu’une catégorie de fidèles soient exclue de l’application de ces principes. Dans une société où l’Eglise est identifiée à tant d’abus : sexuels, spirituels, de pouvoir, de cléricalisme même, l’évangélisation doit être une urgence qui dépasse le procès actuel intenté aux fidèles attachés à la tradition.

Notes

Note n°1

Rituel de la Confirmation, Commission Internationale Francophone pour les Traductions, Chalet-Tardy 1976

Note n°2

Pour plus de détails, se rapporter au décompte de la Lettre 471 de Paix Liturgique http://fr.paix-liturgique.org/aff_lettre.asp?LET_N_ID=2299

Note n°3

« Pour la prière d’ouverture (collecte) le rituel propose trois formes dont deux ont une structure atypique (forme dialoguée et forme litanique). La mise en œuvre de ces prières d’ouverture s’avère concrètement périlleuse et déstabilisante…Pour la profession de foi, six formes sont proposées. On privilégiera la 1ère ou, éventuellement, la 6ème, qui seules, par une formulation du symbole de foi , donne une expression reconnaissable du contenu du Credo catholique. » https://frejustoulon.fr/fiche-technique-sur-la-confirmation/

Voir aussi « Du bon usage du rituel de la confirmation », Liturgie et Sacrement, Conférence des Evêques de France https://liturgie.catholique.fr/initiation-chretienne/la-confirmation/3753-la-structure-du-rituel-de-la-confirmation/

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